François Lepère, présentez-vous en 5 lignes
J’ai un bac + 2 dans le commerce, j’habite à 8 km de Bernay. Je suis dirigeant d’entreprise depuis 16 ans, mais je suis surtout un « gros curieux ». J’aime comprendre tout un tas de choses, j’aime connaître, je suis curieux de connaître ce qui est caché ou ce qui est tellement complexe que pas grand-monde ne va au bout des choses, j’aime lire, me documenter et chercher. Ma femme me dit souvent que j’aurais dû travailler à la police judicaire. J’aime l’économie car elle n’est pas une science exacte et elle doit toujours s’adapter au marché. La notion du marché est importante mais personne à l’école de la République ne veut entendre parler du marché. Comme si le sujet était tabou. Mes deux « modèles » sont Adam Smith et Joseph Schumpeter, qui développent pour le premier la théorie de « la main invisible » et pour le deuxième « la destruction créatrice ».
D’après vous quel est le rôle de l’impôt juste ?
L’impôt est nécessaire pour financer tout ce qui est collectif, comme par exemple la construction d’un hôpital, d’une caserne de gendarmerie pour assurer la protection des Français, l’entretien des routes, des écoles, les pompiers. Mais l’impôt ne doit pas être un correcteur des différences de salaire, ni financer les petits copains de la République que l’on recase dans des organismes créés spécialement pour eux. Nous avons listé dans notre livre toute une série de « comités Théodule ». Il est normal qu’un médecin qui a fait 8 années d’études gagne plus qu’un salarié avec un CAP. Certains hommes politiques se cooptent les uns les autres pour conserver des places « au chaud » et quand ils doivent quitter leur poste on leur en crée un nouveau sur mesure au frais des contribuables qui payent la note. L’ouvrier de Peugeot qui perd son emploi n’a pas le droit à tout cela, il file chez Pôle emploi (quand c’est ouvert au public !). C’est cela que nous dénonçons avec mon coauteur. J’avais appris à l’école que les privilèges avaient été abolis en 1793, mais c’est faux. Ils sont toujours bien présents.
D’après vous pourquoi les Français ne croient plus dans la politique telle qu’elle est faite depuis 30 ans ?
Parce que depuis 40 ans rien n’a évolué en France. Nos partenaires européens ont pris le virage du XXIe siècle. En France une très grande majorité des textes législatifs touchant à l’économie n’ont pas évolué depuis la fin de la deuxième Guerre Mondiale. L’économie a profondément changé en 70 ans, l’informatique est partout, avec les Smartphones et internet les frontières ont disparu, le marché exige de s’adapter continuellement, ce qui n’a pas été une habitude pour la France. Les impôts ont explosé depuis 30 ans, et la fiscalité ne peut rien contre le marché. 57 % de la richesse créée part chaque année vers la sphère publique dans notre pays. L’État qui veut tout faire à la place de l’individu est « un aspirateur à pognon ». Et l’impôt n’est plus accepté pour financer les petits privilèges de certains qui refusent de s’adapter au marché. En France on pense toujours que c’est au marché de s’adapter à notre pays. Le résultat vous le connaissez, 6 millions de chômeurs, presque 9 millions de pauvres… À ce rythme-là dans 5 ans la Russie (qui a été sous dictature économique et politique durant 70 ans) nous passera devant. Nous regardons bêtement passer les trains en ruminant nos vieilles idées périmées. Il est urgent de faire passer la France dans le XXIe siècle.
Qu’avez-vous trouvé comme taxes que les Français ignorent ?
La taxe toilettes quand vous tirez la chasse d’eau, la taxe abris de jardin, la taxe écolo-bobo, la taxe sur les logements vacants, la taxe soda, comme il existe presque 400 impôts différents, plus personne ne sait ce qu’il paye et encore moins ou va l’argent. Quelques exemples absurdes : la Taxe Locale d’Équipement (TLE) qui finance encore les J.O. d’Albertville de 1992, alors que nous sommes en 2017. Et aussi en région parisienne la taxe de balayage. Le Portugal a créé en avril 2016 dernier la taxe paysage, pour le moment l’idée n’a pas été repris par nos « élites », mais attendez donc la fin juin 2017 et vous verrez qu’elle va arriver en France. Et je ne vous parle même pas du projet de taxation sur le loyer fictif, qui a été enterré (pour le moment) mais qui va revenir sur la table un jour ou l’autre.
Vous critiquez, mais que proposez-vous ?
Que l’État arrête de s’occuper de toute la vie des Français du berceau à la tombe. L’État-providence c’est fini, les caisses sont vides alors que les impôts sont au plus haut. Où va l’argent ? Chacun doit être responsable de sa personne sans attendre que « les aides tombent du ciel ». Il faut faire confiance au marché qui est le seul à pouvoir équilibrer l’offre et la demande, et donc créer des emplois marchands et pérennes. Il faut une fiscalité légère qui ne fasse pas fuir les entrepreneurs. Je préfère un salarié qui gagne 800 euros de son travail plutôt que de la redistribution publique, car il a un rôle dans le cycle vertueux de l’économie. Quand on met un pied dans l’entreprise, on fait ses preuves et on monte les échelons peu à peu. Bien sûr tout le monde voudrait gagner 4000 euros en travaillant peu ou pas du tout. C’est une utopie. C’est du rêve. Un proverbe espagnol dit « celui qui ne se jette pas à l’eau ne traversera jamais la rivière ». L’État doit maigrir et faire confiance aux entreprises.
Et vous M. Allamel, présentez-vous en 3 lignes ?
J’ai un parcours varié qui m’a conduit à mettre les pieds dans le secteur public aussi bien que dans le secteur privé. J’ai vite vu les travers et failles de ces deux environnements, et j’ai compris à quel point le coût de l’inefficacité de la sphère publique plombait la compétitivité de la sphère privée… J’ai également un DEA de Philosophie économique, et je ne peux m’empêcher de m’interroger sur le système dans lequel nous vivons, de tout remettre en question, de toujours me demander si tél état de choses ou telle situation sont normaux. Je connais François Lepère depuis 2014.
Pourquoi avoir écrit un livre sur la fiscalité en France ? N’est-ce pas un sujet tabou ?
Nous abordons une séquence intéressante, avec la prochaine élection présidentielle, où pour la première fois un candidat de droite parle de réduire sérieusement la dépense publique. Ironie de l’histoire, ce candidat est embêté par une affaire qui concerne justement son rapport direct à l’argent public… Bref, la fiscalité est en lien avec la dépense publique. Pour envisager de taxer moins, il faut tout simplement dépenser moins. Ce n’est pas la fiscalité qui est taboue, c’est la remise en question de l’interventionnisme de l’État. Depuis plus de trente ans, on ne peut pas soulever ce problème sans se faire taxer d’ultra-libéralisme. Allez pourtant demander aux français qui rament et calculent deux fois avant de faire le plein de leur voiture à 60 € ce qu’ils en pensent. Nous avons écrit ce livre pour montrer que l’État pompe ses citoyens-contribuables à la moindre occasion, et que pour mettre fin à ce racket fiscal, il faudra nécessairement réduire la dépense publique.
Pourquoi existe-t-il autant de taxes et d’impôts en France ?
Pour une raison très simple : l’État est incapable de réduire son train de vie. Pire, il s’invente sans cesse de nouveaux rôles et de nouvelles missions qui se traduisent par toujours plus de dépense publique, puisqu’il faut bien financer ces politiques. Or il faut bien trouver de l’argent quelque part, et comme il est compliqué d’augmenter l’impôt sur le revenu ou la TVA, sans provoquer un ras-le-bol fiscal, nos « ingénieurs fiscaux » inventent quantité de taxes sur tout et n’importe quoi, qui s’accumulent au fil des décennies. L’idée qui se cache derrière cet astucieux stratagème, quoiqu’il ne soit pas complètement maîtrisé, est de dissimuler cette fuite en avant dépensière en créant une multitude de petites taxes indolores.
Les Français semblaient attachés aux services publics, ne pensez-vous pas que derrière cela se cache autre chose ?
Tout d’abord, un grand nombre de français sont pour une réduction des services publics, en fait du périmètre d’action de l’État, ou du moins pour leur optimisation. Mais en supposant que dans leur majorité, ils soient attachés aux services publics, c’est parce qu’ils ont été mal habitués par l’État qui, pour légitimer sa croissance infinie, assiste les français dans tous les registres de leur vie. Peu de personnes interrogent le système et se posent la question de la légitimité de telle ou telle politique publique. Beaucoup prennent la parole étatiste pour argent comptant, si on peut dire, sans la remettre en question. L’État a tout à gagner dans cette situation puisqu’en agrandissant sa sphère d’intervention, il augmente le nombre de fonctionnaires, et donc son réservoir électoral.
Croyez-vous que l’État puisse tout gérer dans la vie des Français ?
La question n’est pas « est-ce qu’il peut ? », mais « est-ce qu’il doit ? ». Du point de vue la philosophie politique, rien n’est moins sûr, encore faut-il, là encore, accepter de poser la question sans être prisonnier d’une idéologie, et être ouvert d’esprit. Du point de vue des résultats, c’est encore moins évident : l’État est un piètre gestionnaire. Il suffit de rappeler que notre déficit public annuel est d’environ 77 milliards d’Euros, et que notre dette a allègrement dépassé les 2000 milliards. Mais tout ça ne semble visiblement choquer personne. Un certain candidat socialiste considère même que cette dette « comptable » a moins d’importance que notre « dette écologique ». Puisque l’État ne sait pas tout gérer, il ne doit pas le faire, tout simplement ?